mercredi 23 février 2011

Un monde eveillé.

José avait mal à la tête, comme si quelqu'un lui avait bousillé le cerveau au pic à glace en lui crevant l'œil au passage. Son champ de vision était encombré de formes et de couleurs indistinctes. Le monde retrouva avec une douloureuse lenteur les contours de la ruelle crasseuse qui lui était familière, peuplée des visages de ses potes Chulos. Ils le regardaient tous avec intensité.

Ils se tenaient en demi-cercle à quelques mètres de distance, affichant tous le même air choqué, incrédule et effrayé. Il jeta un œil par dessus son épaule pour s'assurer que rien de menaçant ne se trouvait derrière lui, mais tout était vide et noir, exception faite des bennes à ordure puantes débordant des poubelles de la Cantina d'Amelia. Il se retourna, étourdi, et se redressa en se servant de son bras. Deux gangers reculèrent. L'un d'eux était son propre frère, Carlos et ni l'un, ni l'autre ne le quittaient des yeux. C'est alors qu'il aperçut les corps.
Ils étaient trois, gisant au milieu de la rue jonchée d'ordures, juste derrière les Chulos. Tous trois portaient le rouge des Rusted Stilettos, et aucun d'entre eux ne bougeait. La mémoire lui revint alors. Il écarquilla les yeux en regardant la paume de ses mains ouvertes comme s'il ne les avait jamais vues auparavant. Puis il leva les yeux sur les Chulos. Ses amis. Ses frères. "Je..." commençat-t-il maladroitement.

"Qu'est-ce que t'as foutu, mec?", demanda Carlos dans un murmure, ç la voix d'habitude si profonde, Carlos, qui avait deux ans de plus que lui et le dépassait bien d'une tête. "Qu'est ce que t'as foutu?".

"J'en sais... J'en sais rien!" Son visage s'empourpra tandis que les images lui revenaient : les stilletos qui se glissaient derrière Carlos, le couteau tiré, son propre cri d'alarme, pui les cris des autres, et puis l'éclair de lumière, l'explosion de douleur derrière ses yeux...

"C'était de la magie!" C'était Gato, le meilleur ami de son frère. Son ton était lourd, accusateur, et chargé d'une peur fébrile qui José pouvait sentir résonner dans ses propres os.

"C'est pas..." C'est dingue! Je peux pas faire de la magie! Je suis qu'un gosse!

"Ils étaient sur le point de planter Carlos, et puis t'as gueulé quelque chose - oui, toi-, tu les a montrés du doigt, et ils ont tous crié et ils se sont étalés !" Gato s'était approché, lui hurlant pratiquement à la figure. Puis, comme s'il réalisait qu'il se trouvait dangereusement près de lui, il fit quelques pas mal assurés en arrière. Il pointa un doigt accusateur sur le garçon. "T'as pas intérêt à lire dans ma tête, putain, tu m'entends? Si tu fais ça je..." 

Gato fut soudain projeté en avant dans une gerbe de sang. La ruelle derrière lui s'emplit du bruit assourdissant d'une fusillade, et José se mit à hurler en se redressant tant bien que mal alors que les silhouettes vêtues de rouge envahissaient la ruelle. Ses oreilles résonnaient de leurs cris. "Ils sont là!"

"Chope-les, José!" s'époumonait Carlos d'une voix désespérée. "Refais-leur de la magie!".

José sentit son cœur battre à tout rompre, et la sueur couvrir son corps. Tout était bruyant, tout était en mouvement. Comment avait-il fait ça tout à l'heure? Qu'avait-il fait pour que ça se produise? Il ne s'en souvenait pas! Il...

Carlos lui cria quelque chose avant que sa tête ne bascule violemment sur le coté et que son corps ne s'agite dans une dernière dans obscène pour finalement s'éffondrer. Ses yeux morts étaient fixés sur son frère avec un air accusateur.

José prit ses jambes à son cou, empli de honte. Quel interet de pouvoir faire de la magie s'il n'était pas foutu de la controler, ni s'en servivre pour sauver son propre frere? De chaudes larmes coulaient sur son visage. Et même s'il était juste devant eux, les Stilettos ne le virent jamais quitter la scène.

La magie des ombres p.6

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